lundi 20 février 2012

Réaction du Pr Legoff à la Tribune et édito du Polyarthrite infos décembre 2011

Lettre du Professeur Paul Legoff (Ancien professeur de Rhumatologie et chef de service au CHU de Brest) à Stéphane Villar, en réponse au n°85 de la revue Polyarthrite infos (décembre 2011).

Brest le 29 décembre 2011

Monsieur le Président,

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le numéro 85 de Polyarthrite infos daté de décembre 2011. J'ai le plaisir de vous informer que je suis en complet accord avec votre Éditorial et l'interview du Professeur Grimaldi. Je fais partie d'un groupe breton, le BREIS-Santé, qui étudie depuis 3 ans les problèmes de santé français et qui a rédigé un rapport […]. Pour respecter l'égalité et la solidarité que vous réclamez nous préconisons aussi le retour à l'application du principe de 1945 selon lequel on cotise selon ses moyens et on reçoit selon ses besoins et, donc, une réduction du rôle des Mutuelles qui créent des inégalités et des frais de gestion élevés de l'ordre de 20%. Vos adhérents comprendront aisément que si on gérait dans un budget commun les recettes de la Sécurité Sociale et celles des Mutuelles ils seraient mieux remboursés. Pour réduire le « reste à charge » nous préconisons […] un plafonnement des dépassements d'honoraires et un plafonnement global des dépenses de soins sous forme de bouclier sanitaire ou un taux élevé de remboursement grâce à une mutuelle complémentaire obligatoire de type « Alsace-Moselle » généralisée à l'ensemble du pays.
Notre rapport a également été adressé à tous les candidats à l'élection présidentielle car ce doit être le moment du débat pour l'avenir de notre système d'Assurance Maladie.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma considération distinguée.

Pr. Legoff.

jeudi 16 février 2012

La parole est à vous

Le Professeur Legoff nous a donné son point de vue.
Et vous qu'en pensez-vous?
+ de mutuelle ou + de sécu?

Réagissez!


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Interview du Professeur Grimaldi par l'AFPric

+ de mutuelle ou + de sécu?
Nous avons rencontré le Professeur André GRIMALDI (Professeur de diabétologie à la Pitié-Salpêtrière à Paris) , co-auteur du Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire.

Polyarthrite infos : "Pr Grimaldi, malgré le reste à charge toujours plus élevé pour les patients, les dépenses de santé continuent à augmenter et à être supérieures aux cotisations, comment mettre fin au déficit de l’assurance maladie dans ces conditions ?"
Pr Grimaldi : "La question de l’équilibre entre les dépenses et les recettes est bien sûr importante mais elle ne peut se résoudre que dans une réflexion qui pose d’abord les principes de ce que nous voulons qui relève de la solidarité nationale, c'est-à-dire de la Sécurité Sociale. Et dans cette réflexion, on ne peut faire l’économie d’interroger l’organisation et le fonctionnement de notre système qui sépare, par exemple, ceux qui évaluent le bénéfice d’un médicament et ceux qui en fixent le prix. Pour retrouver l’équilibre budgétaire, il faut donc tout remettre à plat ; c’est pourquoi un débat est indispensable. Deux exemples : alors que toutes les réformes visent la réduction des dépenses, pourquoi y a-t-il une différence de prix, parfois énorme, pour un même médicament de marque ou de forme différente alors que l’efficacité est identique ? Et pourquoi les génériques, en France, coûtent-ils deux fois plus cher qu’en Grande-Bretagne et trois fois plus qu’aux Pays-Bas ? Rien qu’en révisant la liste des médicaments remboursés et leur prix, ce sont des milliards d’euros qui peuvent être économisés, très vite, sans réduire la qualité et l’accès aux soins.
Côté recettes, l’ensemble des revenus, du travail mais pas seulement, doit participer au financement de la Santé. La 1ère fraude concerne le travail « au noir », entraînant un manque à gagner pour la Sécu estimé à 15 milliards. Le second manque, légal celui-là, concerne les « niches sociales », c'est-à-dire les exonérations de cotisations sociales, soit 37 milliards dont la Cour des comptes estime qu’une grande partie n’a pas de justification économique. Enfin et surtout, il faut aussi réfléchir aux recettes, de plus en plus importantes, qui sont versées au secteur privé des mutuelles et des assurances."


Polyarthrite infos : "Le coût des complémentaires santé est effectivement de plus en plus important, mais peut-on faire autrement ?"
Pr Grimaldi : "Absolument ! C’est surtout là que résident les choix que nous devons faire. Sans consultation des citoyens et sans débat, nous assistons depuis 10 ans à un transfert des dépenses de l’assurance maladie vers les mutuelles et les assureurs. Cette orientation est contestée car lourde de conséquences :
- Elle accroît les inégalités : car les primes ne dépendent pas des revenus et les plus fragilisés, par la maladie ou l’âge, paient plus cher. Une partie des citoyens renonce à avoir une complémentaire santé devenue trop onéreuse et renonce ensuite aux soins. C’est donc une remise en cause, de fait, des principes d’égalité et de solidarité.
- Cela coûte plus cher aux citoyens : car les primes augmentent de 5 % par an et en 8 ans, la hausse atteint 44 %, alors que les frais remboursés n’ont augmenté que de 27 %. Par ailleurs, les frais de gestion des mutuelles et des assureurs sont de 15 % à 25 %, alors que ceux de l’assurance maladie n’atteignent pas 5 %. Nous défendons donc une orientation inverse : verser plus à l’assurance maladie pour rétablir un taux de remboursement minimum à 80 % et verser moins aux mutuelles et aux assureurs privés !
- Enfin, cette répartition des dépenses de santé entre organismes publics ou privés définit un système de santé totalement différent de celui fondé en 1945 avec la création de la Sécurité Sociale. Cette orientation n’est pas seulement une tentative de régulation raisonnable des dépenses, c’est un système qui conduit à être soigné en fonction de ses moyens. On avance à petits pas vers le système américain. Les Français sont-ils d’accord ?"


Polyarthrite infos : "Pensez-vous qu’il y a urgence ?"
Pr Grimaldi : "Tout à fait, petite mesure après petite mesure, notre système de soins a basculé. Prenons par exemple les franchises : elles avaient pour but de responsabiliser les assurés et de financer des plans, Alzheimer, entre autres. Nous constatons que la mesure n’a pas eu le résultat escompté, sans qu’aucune évaluation ne soit réalisée. Ce serait pourtant la moindre des choses que l’on fasse un bilan et que l’on débatte d’une autre proposition. Dans le même temps, 15 % des Français ont dû renoncer à des soins pour des raisons financières, creusant toujours plus les inégalités d’accès aux soins. En réalité, ce taux est de 30 % pour ceux qui n’ont pas de mutuelle. C’est la même logique du côté de l’Hôpital, les objectifs budgétaires imposés sont irréalistes et parfois en contradiction avec sa mission de service public. Le déficit est alors inévitable, ce qui « justifie » ensuite des mesures de réduction de personnel incompatibles avec les besoins de la population, la sécurité des patients et la qualité des soins. On pourrait aussi évoquer les déserts médicaux, les dépassements d’honoraires, la prévention, etc."


Polyarthrite infos : "A vous écouter, on perçoit la complexité des enjeux pour notre système de santé.Comment les Français peuvent-ils s’y retrouver ?"
Pr Grimaldi : "C’est vrai que c’est difficile, mais nous ne sommes pas idiots, nous pouvons comprendre si on nous explique. La Santé, en tant que bien supérieur, ne doit pas être l’affaire de « spécialistes » qui décident à notre place, nous sommes tous concernés. C’est pourquoi le Manifeste est signé par 123 personnalités, professionnels et représentants d’associations de patients, mais aussi économistes, juristes, chercheurs, créateurs, artistes. Notre système de soins traduit des choix de société sur lesquels, dans une démocratie, les citoyens doivent se prononcer. Il faut un débat pour que nous fassions des choix responsables. Les expériences des systèmes de santé des autres pays, par exemple, sont intéressantes. Il y a de grandes différences entre le système américain et celui du Canada ; en Europe, il y a aussi une grande différence entre les modèles de Grande-Bretagne, des Pays-Bas et d’Allemagne. Il faut pouvoir réfléchir ensemble aux avantages et aux inconvénients des diverses options et en premier lieu si on veut, en France, préserver une Santé égalitaire et solidaire. Egalitaire, cela veut dire le même accès et la même qualité de soins pour tous. Et solidaire, cela implique un système public où chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins médicalement justifiés. C’est le principe de la Sécurité Sociale. Pour autant, la solidarité ne doit pas tout rembourser. Est-il normal que la Sécu continue à rembourser les cures thermales pour un coût de 300 millions d’euros par an ? Les difficultés que nous rencontrons peuvent être résolues tout en préservant ce principe fondamental."


Polyarthrite infos : "Pour conclure, Pr Grimaldi, quelles sont les principales mesures proposées dans le Manifeste et quelles sont les prochaines actions envisagées ?"
Pr Grimaldi : "Le Manifeste comporte 190 pages pour poser le problème que nous avons à résoudre, fournir des éléments de réflexion sur les mesures qui, petit à petit, ont été prises sans concertation et proposer une autre solution que celle que l’on nous impose et que l’on nous présente comme la seule raisonnable possible. Mais si on doit résumer en deux revendications phares, nous voulons :
- que la Sécurité Sociale soit l’assureur principal de la Santé, ce qui implique que l’on prenne l’orientation inverse de celle de ces dix dernières années, qui a transféré de plus en plus de dépenses vers le privé.
- le rétablissement du taux de remboursement à 80 %, alors qu’il n’est plus que de 55 % pour les soins courants. Le maintien du 100 % pour les affections de longue durée (ALD) et le maintien de la couverture maladie universelle (CMU).
Nous avons par ailleurs, rédigé un « Pacte pour une santé égalitaire et solidaire », reprenant nos propositions. Nous allons l’adresser à tous les candidats à l’élection présidentielle et prendre rendez-vous. Nous comptons que le débat public indispensable que nous revendiquons puisse avoir lieu, car s’il n’y a pas de débat, il n’y a pas de choix.

Une autre politique de Santé, fondée sur l’égalité et la solidarité, ET à coût constant, est possible !"

Propos recueillis par Patricia Preiss, Secrétaire Générale de l’AFPric

lundi 13 février 2012

La réponse de M. Bayrou au Pr. Grimaldi

Voici la réponse de François Bayrou du 5 janvier 2012 à la lettre aux candidats du Professeur Grimaldi :

Monsieur le Professeur,

Je vous remercie bien vivement de m'avoir envoyé le "Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire" que vous avez rédigé et qu'ont signé 123 personnalités représentatives de la société civile.

Permettez-moi de vous préciser d'abord que je partage votre inquiétude sur l'évolution d'un système de santé qui s'éloigne de plus en plus des objectifs qui lui étaient assignés. Comme vous l'écrivez également, cette dérive vers une santé à deux vitesses s'accompagne, chez les soignants, d'une véritable crise d'identité et de reconnaissance professionnelles.

Une profonde réforme s'impose, sur le fondement des principes que vous définissez dans votre ouvrage : solidarité, égalité, prévention, qualité des soins, éthique médicale, démocratie sanitaire. Il conviendra de l'entreprendre, non de manière fractionnée et dans l'urgence, mais dans une vision globale des objectifs à atteindre et des moyens pour y parvenir. Cela suppose à mes yeux, une association très étroite des professionnels de santé, des patients et des gestionnaires à la conduite de ce changement de grande ampleur.

S'il y a en effet une leçon à retenir, depuis une trentaine d'années, c'est la vanité de l'émiettement des mesures partielles et sans vue d'ensemble.

Globalement, j'adhère à la plupart des propositions que vous faites. Comme vous le reconnaissez d'ailleurs, on peut encore ajuster, ici ou là, les dispositifs à mettre en oeuvre. Vous pourrez d'ailleurs constater prochainement à l'occasion de l'un des Forums que j'organiserai en février, que mon analyse est très proche de celle que vous faites.

Enfin, j'espère que la campagne présidentielle qui s'ouvre sera naturellement l'occasion de ce légitime débat public que vous appelez de vos voeux. Pour ma part, je m'efforcerai d'y contribuer de mon mieux.

En vous remerciant d'avoir ainsi fait oeuvre utile, sur un sujet d'importance majeure, je vous prie, Monsieur le Professeur, d'agréer et de transmettre à vos co-auteurs, l'expression de toute ma considération.

François Bayrou

vendredi 10 février 2012

La lettre aux candidats

Les auteurs du Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire ont fait parvenir une lettre aux candidats à la présidentielle 2012 pour leur demander de signer un pacte pour une santé égalitaire et solidaire, que la future majorité présidentielle s’engagerait à mettre en œuvre.
Lire cette lettre et le pacte en ligne.
A lire aussi sur ce blog, la réponse de M. Bayrou à cette lettre.

L'association

L'AFPric est la plus importante association française de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et de rhumatismes inflammatoires chroniques.
L’AFPric est une association nationale « Loi 1901 », créée le 8 décembre 1988, elle est reconnue d'utilité publique par décret du 3 novembre 2009.
Représentée partout en France, elle compte 70 relais organisés en délégations régionales.
Elle est administrée par un Conseil composé de personnes atteintes de la maladie. Elle est en relation avec plus de 30 000 malades atteints de polyarthrite rhumatoïde et de rhumatismes inflammatoires chroniques et avec 5 300 adhérents à jour de cotisation.
Ses objectifs sont d’aider à mieux vivre avec cette maladie chronique, représenter et défendre les intérêts des patients et promouvoir la recherche médicale.

Edito

Lien vers l'association AFPric

"Alors que le monde associatif en France, et particulièrement dans le domaine de la Santé, vit une période très difficile où l’argent et la volonté des pouvoirs publics viennent à manquer de façon criante, votre Association continue de combattre sur tous les fronts, y compris sur le plan politique (dans sa plus noble acception). Loin de renoncer, car vous le savez, l’Association est dirigée par des malades combatifs pour soutenir d’autres malades et leur entourage, nous avons décidé de signer le « Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire », porté notamment par le Professeur Grimaldi. Nouvel acte militant dans le domaine de la rhumatologie et de la Santé, croyez bien que l'AFPric ne s’arrêtera pas en si bon chemin, dans une période pré-électorale présidentielle dans laquelle jamais la Santé n’apparaît comme un enjeu majeur. Selon nous et dans un contexte où l’on évoque les déremboursements, la « fraude » de quelques usagers et les arrêts maladie que l’on dit trop nombreux (!), chaque candidat devra préciser quel est son projet de Société dans le domaine de l’Education, de la Justice, de la protection sociale et... de la Santé. Nous ne sommes pas inconséquents, et nous savons, nous, malades, que chaque acte médical a un coût pour la collectivité, que les dépenses ne peuvent aller crescendo sans que l’Etat n’exerce son devoir de contrôle de la dépense, de supervision et d’accompagnement des citoyens en situation de fragilité. Mais nous revendiquons des mesures justes et efficaces qui respectent l’égalité et la solidarité. C’EST LE DEVOIR DE L’ETAT !

Les esprits chagrins qui nous expliqueront que l’économie et les finances désastreuses de la France nous font risquer le pire doivent savoir que nous restons de marbre… Une société fondée sur l’argent, les revenus de la spéculation et l’amassement matériel au détriment d’un partage décent des richesses n’est pas un projet viable, ni même décent.
L'AFPric ne renonce pas à l’idée d’un modèle économique et social où tout le monde peut trouver sa place. Au-delà des clivages de droite ou de gauche, ce modèle doit s’ancrer dans une société qui protège ceux qui ont le moins, notamment le moins de santé. Quelle Société préparons-nous pour la génération qui suit ? Là est l’une des vraies questions pour ceux qui décident, pour ceux qui prescrivent l’Opinion Publique.

A cet effet, j’invite ceux qui pensent que la Santé coûte toujours trop cher, à lire dans le numéro de Polyarthrite infos de décembre 2011, ce qu’est la vie d’un enfant, d’un adolescent puis d’un jeune adulte atteint d’arthrite juvénile pour comprendre que la Société qu’ils préparent ne correspond en rien à un modèle acceptable pour le futur citoyen « moyen »… encore moins si ce futur citoyen débute dans sa vie en situation de handicap de santé associée à une incapacité à s’insérer socialement, puis économiquement. Je les laisse méditer comme on laisse les gens à leur sort..."

Extrait de l'édito de Stéphane Villar, président de l'AFPric, publié dans Polyarthrite infos N°85 de décembre 2011.